L’engouement du public pour les visites de la base Orange Marine, lors des Journées européennes du patrimoine*, témoigne de l’intérêt que suscite cette entreprise emblématique, implantée à La Seyne depuis 1883 (elle était alors la branche Câbles sous-marins du Ministère des Postes et Télécommunications).
Et quand c’est le directeur de la base marine Méditerranée, également directeur technique Navires, qui endosse de son propre aveu avec « beaucoup de plaisir » le rôle de guide-conférencier, il sait captiver son auditoire.
« Être sur le terrain, travailler en mer, voyager… »
Son atout ? Emmanuel Décugis est passionné par son métier et il connaît parfaitement son domaine. Il a intégré Orange Marine il y a 25 ans, en tant que chef de mission à bord des navires. Ingénieur de formation, Emmanuel Décugis a fait ses études à Lyon où il a également exercé au début de sa carrière. Natif de la Cadière d’Azur, il est revenu dans sa région d’origine pour travailler dans un bureau d’études d’architecture navale du port de Brégaillon. « Orange Marine faisait partie de mes clients, j’avais de très bonnes relations avec le service technique, c’est comme ça que le lien s’est fait », raconte-t-il. Séduit par « la possibilité d’être sur le terrain, de travailler en mer, de voyager… », il saisit « une opportunité assez rare pour un ingénieur, pas forcément marin » en rejoignant l’armateur.
« Chacun a son rôle »

Lorsqu’un navire appareille, 60 personnes sont embarquées, encadrées par trois chefs d’équipes (un commandant, un chef mécanicien et un chef de mission) et un représentant du client… Le chef de mission est pour sa part responsable des opérations de pose ou de réparation des câbles : « Nous recherchons le défaut et le localisons précisément à l’aide des cartes du réseau. Nous allons ensuite à la pêche au câble que nous relevons à bord afin de nettoyer la partie endommagée et la remplacer par un câble neuf. Les dommages peuvent provenir de différents facteurs : activité de pêche, zone de mouillage des bateaux, activité sismique… » Emmanuel Décugis précise qu’« en mer, les équipages interviennent 24h sur 24. Cuisiniers, jointeurs, pilotes d’engins sous-marins, techniciens de suivi des opérations… chacun a son rôle et ses contraintes. »
« Réagir à des situations à chaque fois nouvelles »
Ce sera son quotidien pendant plus de 10 ans, ce qui lui permet de « bénéficier de l’expérience des navires », c’est-à-dire « de parler le même langage que les personnes embarquées et d’avoir l’expertise des câbles » lorsqu’il relève « un nouveau challenge ». Emmanuel Décugis devient directeur technique Navires, pour assurer la maintenance de l’ensemble de la flotte d’Orange Marine. « Nous avons le soutien d’équipages expérimentés », tient à souligner celui qui est également, à présent, directeur de la base Méditerranée. Il doit aussi piloter les projets de renouvellement de navires sachant que « tous les 8 à 10 ans, un nouveau navire doit être livré » (lire ci-après)
« On relie les gens »
« Sédentaire » sur le papier, ce poste exige de « réagir à des situations à chaque fois nouvelles » : « On est tous susceptibles de partir, de bouger dans les jours qui viennent. On est tournés vers l’opérationnel, investis dans cette entreprise dont les salariés ne sont pas là par hasard, mais par passion et par fierté. C’est assez simple : on relie les gens ! On sait quel intérêt ça représente, tout ce qui passe dans ces câbles. Et il y a encore beaucoup à faire avec l’essor du télétravail, et surtout de l’intelligence artificielle. »
Le pied marin

Ses souvenirs marquants ? « Le premier embarquement, c’est quelque chose que vous n’oubliez jamais ! C’était pour une mission au Japon sur un de nos navires : le Fresnel. J’ai ensuite fait beaucoup d’opérations sur le Raymond Croze, j’ai une vraie attache à ce bateau », confie Emmanuel Décugis. Il insiste : « Un navire c’est beaucoup plus qu’un lieu de travail. » Il énumère aussi des missions à bord du René Descartes, du Léon Thévenin, du Vercors, du Chamarel… l’Afrique du Sud, la Réunion, la Côte d’Ivoire, le Congo… Et “attachant ” est un adjectif qui revient souvent, lorsqu’il évoque ses années passées en mer. « Des équipages attachants », « des rencontres attachantes » dans les différentes parties du monde, « des endroits attachants et loin de la carte postale où on retourne en vacances ». Il ajoute encore : « Je garde le souvenir de traversées du Bosphore et du canal de Suez assez spectaculaires. »
*Orange Marine a ouvert ses portes pour la première fois dans le cadre des JEP cet automne. Les 9 visites proposées et commentées tour à tour par Emmanuel Décugis et Cyril Defais, directeur de base adjoint, ont été plébiscitées : 184 personnes ont pu être accueillies.
Le saviez-vous ?
-
Sur la base marine Méditerranée : le quai d’amarrage du Sophie-Germain et le dépôt de stockage des câbles. Orange Marine comprend la base marine Méditerranée implantée à La Seyne-sur-Mer, qui a pour « jumelle » la base marine Atlantique à Brest, ainsi qu’un dépôt à Catane, en Italie.
- L’un des navires de la flotte d’Orange Marine, le Léon Thévenin, est basé à Cap Town en Afrique du Sud.
- Orange marine compte un atelier de fabrication d’engins sous-marins utilisés pour réaliser les travaux sur les câbles. Celui-ci est situé à Fuveau (13).
- Les câbles posés ou réparés par Orange Marine appartiennent à ses clients. Un représentant du client est donc systématiquement embarqué afin qu’il puisse suivre le déroulement de l’opération.
À La Seyne-sur-Mer, 1 000 kilomètres de câbles destinés à la Méditerranée, à la Mer rouge et à la Mer noire, sont entreposés dans le dépôt de stockage de câbles. Le site a en outre ceci d’unique sur toute la façade méditerranéenne : des câbles d’énergie pour les champs éoliens flottants y sont également stockés. Un nouveau marché en devenir pour Orange Marine.
- Orange Marine emploie 300 personnes au total en France : 2/3 naviguent, 1/3 s’occupe de la logistique.
- La flotte câblière d’Orange Marine représente 15% de la flotte mondiale, elle est l’une des plus expérimentées au monde.
Un navire a une durée de vie de 40 ans. Le Raymond Croze, navire emblématique de la flotte basé à La Seyne-sur-Mer, était en service depuis 1984. Il a été remplacé par le Sophie Germain, inauguré en septembre 2023.
- 99% du trafic internet mondial transite par des câbles sous-marins en fibre optique. La capacité d’une seule fibre d’un câble de dernière génération, dont la taille est celle d’un très fin cheveu, est d’environ 10 térabits par seconde. Ce qui équivaut, par exemple, à la capacité de télécharger 2 000 films en une seconde !