« Être inclusif ou faire de l’inclusion à l’école ? »

Le 2 décembre dernier, Cap’Ecole, l’association pour l’école inclusive dans le Var, a organisé son cinquième colloque au Centre culturel Tisot en présence de Charles Gardou, anthropologue, professeur des universités et spécialiste des questions du handicap dans la société. Une centaine de parents, professionnels de santé et professeurs des écoles venus parfois d’outre le département avaient fait le déplacement pour l’occasion. 

Cap’Ecole qu’est ce que c’est ? 

C’est une association d’aide à l’accompagnement de la scolarité des enfants différents, créée par des parents d’élèves en situation de handicap. Noëlle Semadeni, secrétaire adjointe de l’association raconte : “Notre but premier est de défendre les droits des enfants handicapés. Tous les ans, nous organisons un colloque avec des professionnels du milieu en espérant faire bouger les lignes. Ce genre de soirée permet de multiplier les témoignages et de faire se rencontrer les idées. Depuis 2017, année de création de l’association, nous avons vu les regards évoluer. Parler de l’école inclusive à l’époque était beaucoup plus compliqué. Il reste aujourd’hui encore, beaucoup de chemin à réaliser, mais il n’empêche qu’il y a du progrès et beaucoup de beaux projets ont été mis en place. Ne serait-ce qu’à la Seyne-sur-Mer où l’on peut citer l‘institut médico-éducatif Léo Lagrange, géré par l’association Phar83, qui a été implanté dans une école publique.” Effectivement, en septembre dernier, 45 enfants porteurs d’un handicap ont pu faire leur rentrée scolaire dans un institut médico-éducatif situé dans l’enceinte d’une école publique. Une première dans le Var.

“L’école est le patrimoine de tous et non pas une propriété privée”

Charles Gardou en est certain, “il faut ouvrir les espaces et se mêler. De la même manière que l’ordonnance de 1959 a massifié les élèves dans les écoles, faisant en sorte que cette dernière ne soit plus réservée à une élite. C’était une décision forte.” Partant du principe que les écoliers d’aujourd’hui feront la communauté de demain, le professeur des Universités a rappelé qu’on ne changeait pas une société par la morale mais par l’éducation. Ainsi a-t-il poursuivi: “Si les enfants grandissent avec des êtres porteurs de handicap dans leur entourage, plus tard dans leur vie professionnelle, ils seront plus aptes à accepter la différence. Les patrons auront, de ce fait, moins peur d’embaucher.” L’homme a également insisté sur le fait qu’il fallait accepter les aléas de la vie humaine. “L’être humain n’est pas fait pour être une reproduction identique. Nous sommes tous porteurs de différences de part notre nature fondamentale. Avec les enfants qui possèdent un handicap, nous ajoutons avec nos mots et nos comportements une frontière.”  Pour développer son idée, Charles Gardou a cité certains champignons qui ne parviennent pas à réaliser la photosynthèse. Ces derniers ne sont pourtant pas rejetés par le reste de la flore. Ils se fixent à des arbres qui leur fournissent le sucre de la photosynthèse tandis qu’en échange, ils apportent des éléments nutritifs divers comme l’azote ou le phosphore et de l’eau. Pour finir, celui qui est aussi anthropologue a expliqué que certains handicaps n’étaient pas perçus comme tel selon la société et le pays dans lequel on évolue. Preuve en est donc, selon lui, qu’il faut changer notre regard. La différence ne doit plus être signe d’exclusion.

“L’enfant handicapé n’est pas un outil”

Si Charles Gardou appelle à un changement de mœurs, l’homme souhaite également faire une mise en garde. “L’enfant porteur de handicap, ne doit pas devenir un outil pour le reste de la classe. Si chacun arrive avec sa biographie originale, il ne faut pas créer une inégalité de plus en surjouant la différence. L’enfant porteur de handicap ne doit pas être le héros de la classe. L’école n’est à personne.” Avant de citer Jean-Jacques Rousseau : “Vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne !” Il poursuit : “Nul ne peut grandir quand le regard de l’autre ne fait que le diminuer. L’enfant a besoin d’un horizon.” 

Derrière ce postulat, une crainte répétée, à force de mettre en avant la différence de l’enfant, ne va-t-il pas se demander s’il est bien à sa place ? “N’allons nous pas nourrir une nouvelle angoisse ? L’enfant va-t-il être chassé de sa place ?” Pour conclure, l’homme a demandé à l’assistance de comprendre le poids des mots. “Même le terme inclusion peut faire mal. On ajoute une frontière à une autre.”

Des questions en suspens

Après l’intervention de Charles Gardou, plusieurs professionnels du milieu scolaire ont pris la parole afin de parler des prochaines avancées en la matière. Est en cours d’élaboration par exemple, un carnet informatisé de soins et de suivi spécifique: handicap et maladie chronique de l’enfant. Si ce nouvel outil permettrait de mieux comprendre l’enfant et de pouvoir agir en conséquence de ses besoins rapidement, quid du secret médical et de la protection des données ? se sont interrogés certains. D’autres ont relevé les mots de Charles Gardou qui demandait à “ce qu’on casse les murs de l’Education Nationale” trop brutaux pour eux et qui ont tenu à rappeler le cas de l’école Léo-Lagrange où l’institut médico-éducatif s’est intégré au complexe sans avoir à briser des murs.

Plus d’informations : https://www.capecole.org

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