Le monument aux Morts rénové

Le 5 décembre dernier*, le monument aux Morts arborait pour la première fois ses nouvelles plaques actualisant l’orthographe et le nombre des Seynois décédés lors des conflits du XXe siècle. Le fruit d’un travail débuté en 2014 par les historiens Jean-Claude Autran et Jean-Claude Stella.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, à l’instar de toutes les communes de France, La Seyne-sur-Mer inaugure son monument aux Morts, le 11 novembre 1924 : « Commandé par le patron des chantiers navals, Léonce Rimbaud, le monument de l’époque voit graver les noms de 373 marins, soldats et officiers seynois morts pour la France », indique l’historien Jean-Claude Autran.

Sous l’occupation, en 1943, l’imposant monument d’alors est décapité par les Allemands qui installent à proximité une batterie anti-aérienne : « Les plaques sont remisées et ce n’est que le 8 mai 1962 que l’actuel monument aux morts est inauguré », poursuit-il. Œuvre de l’artiste André Deluol, la sculpture représentant un éphèbe agenouillé occupe le Môle de la Paix. « De nouvelles plaques intègrent en plus la Seconde Guerre mondiale et les conflits d’Indochine et d’Algérie, portant à 530 le nombre de décédés seynois ».

Or en 2014, à l’occasion du centenaire du début de la Première Guerre mondiale, Jean-Claude Autran et son confrère Jean-Claude Stella repèrent plusieurs anomalies : « En plus de l’orthographe approximative ou des doublons, près de 70 noms ne figuraient pas. Le Service Historique de la Défense a été précieux à ce sujet », signale Jean-Claude Autran. Morts sur des fronts lointains, ou disparus, on passe pour la seule guerre de 14-18 de 373 à 430 morts : « sans compter les 30 de St-Mandrier, dépendant alors de La Seyne ». Financées par la Ville, les nouvelles plaques** portent désormais au total 597 noms de Seynois morts pour la France lors des conflits du XXe siècle (y compris en opérations extérieures).

Et l’historien local de conclure : « Pensons donc à tous ces jeunes, pour certains à peine majeurs, tombés pour la patrie ».

* A l’occasion de la Journée nationale en hommage aux « Morts pour la France » de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, en présence de madame le maire Nathalie Bicais, de l’adjoint aux Anciens combattants Gérard Beccaria, de l’adjoint à la Politique de la Ville Cheick Mansour, de l’adjointe à la Santé Sophie Robert et de la conseillère municipale Catherine Penard.
** A noter qu’au cimetière central, d’autres plaques recensant les 264 victimes civiles des bombardements alliés de 1943-1944, financées par la Ville, vont être prochainement apposées.

Le discours de l’historien Jean-Claude Autran

“Madame le Maire, (…)

C’est un grand honneur et beaucoup d’émotion de m’exprimer aujourd’hui devant vous pour faire un point d’histoire de notre Monument aux Morts.

Cette cérémonie est en effet la première à se dérouler devant un Monument aux Morts rénové. Rénové en raison de la pose récente de nouvelles plaques où sont gravés tous les noms des Seynois Morts pour la France. Pourquoi de nouvelles listes de noms viennent-elles d’être regravées ?

Remontons un siècle en arrière : Dans les années qui ont suivi la fin de la Grande Guerre, après tant de victimes, quasiment toutes les communes de France, hélas ! durent édifier leur Monument aux Morts. A La Seyne, ce monument, construit sous la direction du Directeur des Forges et Chantiers de l’époque, M. Rimbaud, fut inauguré le 8 mai 1924.

Il était constitué d’un socle parallélépipédique surmonté d’un groupe de statues s’élevant à 6 mètres de haut. Autour du socle, sur une quinzaine de plaques de marbre étaient gravés les noms des 373 soldats, marins et officiers seynois Morts pour la France. Un nombre déjà effroyable pour la petite ville que nous étions. Un bilan qui n’était hélas ! pas définitif.

Ce monument ne dura que 20 ans à peine. Les occupants allemands qui, en 1943, avaient installé une batterie anti-aérienne tout à côté, se trouvant gênés dans leurs visées par la haute statue, décidèrent simplement de décapiter notre Monument. Les plaques de marbre avaient pu à temps être démontées et remisées dans l’église paroissiale.

Mais pendant les 15 ans qui ont suivi la Libération, les cérémonies et les dépôts de gerbes se déroulèrent devant un misérable socle, vestige de l’ancien monument. Ce n’est qu’en août 1960 que le Conseil municipal décida la reconstruction du monument et confia au sculpteur M. André DELUOL le marché de l’exécution d’une nouvelle statue, celle d’un éphèbe agenouillé, que nous voyons aujourd’hui. Ce monument fut inauguré le 8 mai 1962. Il y a donc un peu plus de 60 ans.

Mais, à l’époque, il n’y avait pas de plaques portant les noms des Morts pour la France. Les plaques de 14-18 dont j’ai parlé n’ont d’ailleurs (à ma connaissance), jamais été retrouvées.

Ce n’est qu’en 1995 que de nouvelles plaques ont été regravées, avec les noms des victimes de la Grande Guerre, mais aussi celles de la Seconde guerre mondiale, les noms des Seynois morts en déportation, des Résistants fusillés ou tués par les Allemands, les morts en Indochine et en Algérie, au total : 530 noms.

Au fil des années, ces plaques s’étaient un peu dégradées (avec la proximité de la mer, et des noms étaient devenus peu lisibles).

Mais surtout, lors des recherches effectuées en vue du Centenaire de la Grande Guerre, en 2014, un collègue historien de La Seyne, M. Jean-Claude Stella, et moi-même, nous nous sommes repenchés sur ces listes de Morts pour la France. Et nous avons mis en évidence de nombreuses anomalies : les plaques comportaient beaucoup d’erreurs, dans l’orthographe des noms, dans la présentation des listes avec, en désordre, les noms de soldats tués au front, ceux de morts en déportation, ceux de résistants fusillés, certaines victimes civiles des bombardements,…

Mais le plus grave, c’est que de nombreux noms, plusieurs dizaines, avaient été « oubliés » ! Pourquoi autant d’oublis ? Sans doute parce qu’en temps de guerre, la transcription dans l’état-civil de La Seyne de décès survenus sur des fronts lointains, ou de disparus, cela prend souvent des années, et a pu quelquefois ne pas se faire. Plus récemment, à la demande de familles, quelques rajouts de noms avaient été effectués, mais gravés dans des styles différents, avec parfois des doublons.

Et c’est aujourd’hui grâce à l’informatique, qui permet l’examen des listes mises en ligne par le Service Historique de la Défense et sur Mémorial GenWeb, que nous avons pu constater que près de 70 noms de Seynois Morts pour la France ne figuraient pas sur notre Monument. Pour la seule Grande Guerre, le nombre déjà horrifiant de 373 morts, que l’on entend rappeler régulièrement, récemment encore, doit être hélas ! réévalué à 430 morts, et il faudrait même prendre en compte les 30 autres qui figurent sur le Monument aux Morts de Saint-Mandrier, alors partie de la commune de La Seyne.

Il fallait remettre de l’ordre dans tout cela et dès 2014, j’avais alerté l’ancienne municipalité de toutes les incohérences constatées, mais aucune suite ne fut alors donnée.

C’est pourtant la moindre des choses qu’un hommage soit rendu à tous ces enfants de La Seyne, sans en oublier. Pensons à tous ces jeunes garçons qui sont tombés pour la Patrie, alors que beaucoup n’avaient que 19, 20, 21 ans.

En 2021, j’ai donc repris contact, cette fois avec M. Beccaria et M. Durban qui, ont porté le dossier auprès de Madame le Maire et de son Conseil municipal, et qui, pleinement conscient de l’importance d’opérer ces rectifications – c’est tout à leur honneur – ont débloqué une somme conséquente pour que de nouvelles plaques mises à jour soient gravées et apposées en remplacement des anciennes.

Après de dernières vérifications, c’est le nombre terrifiant de 597 noms qui sont gravés sur ces nouvelles plaques, dont les 20 morts en Indochine, les 21 morts en Algérie, et ceux, plus récemment, tués lors d’opérations extérieures .

J’en termine en rappelant qu’un travail semblable a été conduit sur les victimes civiles des bombardements de 1943-1944, car là aussi, sur les 264 victimes, seuls 68 noms sont gravés sur la stèle n° 2 du cimetière. De nouvelles plaques portant les noms de toutes les victimes sont en préparation et remplaceront prochainement les anciennes.”

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