L’association Group Military Conservation a ainsi rencontré un beau succès avec la présentation Place Martel Esprit de ses véhicules militaires de collection. A 17h30, la cérémonie, place des Policiers patriotes, a été l’occasion pour madame le maire Nathalie Bicais de remettre la médaille de la Ville à titre posthume à l’ancien policier Henri Ducher, survivant de la fusillade du poste de police par les Allemands le 21 août 1944.
Il était représenté par son fils Bernard Ducher (voir, ci-dessous, le discours de Jean-Claude Autran). A 18h, le défilé a pu parcourir le port en présence du Bagad de Saint-Mandrier avant la cérémonie au monument aux Morts.
En soirée, un concert du Jazz Workshop a lancé les festivités Porte des Chantiers, suivi à 21h par le concert cubain, parc de la Navale, du groupe Chevere Fusion.
Le discours de l’historien Jean-Claude Autran :
“Aujourd’hui, nous rendons hommage à titre posthume à un ancien policier seynois, Henri Ducher, sans doute oublié de la plupart d’entre vous, et qui pourtant mérite cet hommage de la Ville en raison de son courage, de son héroïsme, et de son dramatique parcours, puisqu’il réchappa à la mort, quasi miraculeusement, quatre fois en quatre ans.
Henri Ducher, né en 1914, fut initialement charpentier de marine aux Forges et Chantiers de La Seyne. Mobilisé en 1939-1940, il était marin, canonnier, sur le cuirassé Bretagne lorsque, le 3 juillet 1940, à Mers-el-Kébir, notre escadre subit l’attaque menée par le Royaume-Uni. Ce jour-là, Henri Ducher eut la vie sauve, car à l’instant de l’attaque, il venait juste d’être débarqué pour servir une batterie côtière. Mais il vit périr presque tout l’équipage de son navire puisqu’il y eut 1000 marins et officiers tués sur le seul cuirassé Bretagne.
Une fois démobilisé, Henri Ducher reprend son emploi de charpentier de marine. Mais, le 17 janvier 1942, lors du lancement du Paquebot Kairouan, aux Chantiers de La Seyne, il est victime d’une très grave chute dont il se sort encore miraculeusement avec « seulement » de multiples fractures des bras.
Ne pouvant plus alors exercer son métier de charpentier, il rejoint les rangs des gardiens de la paix de La Seyne et il va assurer le service d’ordre durant la difficile période de l’occupation allemande et des bombardements.
Lors du terrible bombardement du 29 avril 1944, premier acte héroïque d’Henri Ducher qui sauve in extremis ses beaux-parents ensevelis sous les gravats de leur maison détruite.
Six semaines plus tard, Henri Ducher se trouve au cœur de la tragédie du 11 juillet 1944 dite de l’émissaire commun. On se souvient qu’une effroyable panique se produisit dans cet abri anti-aérien de fortune. Henri Ducher fut emporté par le courant humain. Bousculé, roulé à terre, piétiné, écrasé, l’asphyxie le gagna rapidement et sa souffrance devint insupportable au point qu’il voulut y mettre fin. Mais il ne put faire usage de son arme de service, son bras étant coincé sous un empilement de corps. Sorti par ses collègues, au milieu d’une centaine de cadavres enchevêtrés, Henri Ducher, le visage bleui par l’asphyxie, sans espoir de survie, reprit pourtant connaissance le lendemain et survécut à cette épouvantable épreuve.
Le 21 août suivant, ayant repris son service, Henri Ducher connaît une nouvelle tragédie, celle de l’attaque du poste de police, dont M. le Commissaire va nous rappeler les détails. Alors que trois de ses collègues sont hélas tués ou fusillés sans jugement, Henri Ducher va s’en sortir encore une fois vivant, grâce à son audace : il parvient à s’échapper par l’arrière du poste en s’aidant des descentes de gouttières et à gagner le parc des Maristes. Arrêté peu après par une autre patrouille allemande, il arrive à faire croire qu’il ne se trouvait pas dans le poste au moment de l’attaque et qu’il s’y dirigeait justement pour prendre son service, ce qui lui épargna le peloton d’exécution. Emprisonné cependant au Fort Napoléon avec le résistant Le Hir, il parvint à s’en évader la nuit suivante.
Pendant les premières années qui ont suivi la guerre, les Seynois rencontreront fréquemment le gardien de la paix Henri Ducher. Il était connu pour sa sévérité et il était craint dans les opérations de maintien de l’ordre en raison de sa corpulence forte et musclée.
Hélas, les terribles stresses subis lors des tragédies successives qu’il avait vécues en peu d’années durent certainement contribuer à abréger ses jours. Atteint en 1950 d’une maladie incurable et après deux années d’épouvantables souffrances, il s’éteignit à l’hôpital Sainte-Anne le 10 février 1952, à l’âge de trente-sept ans.
Henri Ducher mérite que la ville de La Seyne lui rende hommage à titre posthume.
C’est son fils Bernard, lui-même ancien combattant d’Algérie et titulaire de 5 décorations, qui va recevoir cette médaille d’honneur attribuée à titre posthume à son glorieux père.”