Une esplanade Serge Malcor sur la corniche merveilleuse

Le 12 juin dernier, Madame le maire Nathalie Bicais a donné le nom de Serge Malcor à l’esplanade servant d’aire de départ aux parapentistes, sur la corniche Merveilleuse. Un hommage à l’humaniste, au conteur, à l’écrivain, amoureux du massif de Sicié et de ses fonds marins.

« C’était ton endroit préféré du massif de Sicié, car à chaque fois que tu passais ici, tu sortais ton vieil appareil et tu prenais la photo de ce paysage ». Jean-Claude Autran s’adresse à son ami disparu, Serge Malcor (1943-2016, voir aussi ci-dessous). Un site merveilleux, une nature qui exhale des parfums de garrigue, une mer d’un bleu profond, c’est depuis les hauteurs de Sicié et en présence de sa famille et de ses amis* que madame le maire Nathalie Bicais lui a également rendu hommage : « Serge Malcor a pratiqué la randonnée, l’escalade, l’alpinisme, le ski, la spéléologie, le judo et le cyclisme. Mais la rencontre décisive de sa vie fut celle avec la mer, souligne-t-elle. Sa plus grande passion fut la plongée sous-marine et les fouilles archéologiques subaquatiques. Avec le « Jonquet-Kayak-Club », il va explorer le mystère des fonds marins. Serge Malcor était aussi un esthète, toujours émerveillé et profondément respectueux de cette nature. A travers plusieurs ouvrages, il nous a fait partager cette nature chaleureuse, ici même au cœur du massif du Cap Sicié. », poursuit Nathalie Bicais.

L’occasion de rappeler la valeur de notre patrimoine naturel : « Cet héritage, nous devons le faire vivre pour l’éternité et pour nos enfants. Cette mer et ce site naturel exceptionnel, nous devons les protéger. J’en ai fait mon combat. Je ne veux plus que notre merveilleux littoral soit couvert de béton. Vous connaissez les actions que j’ai déjà entreprises à cet égard. Je veux que nous protégions nos fonds marins et notamment, nos petits fonds marins. Je souhaite développer un tourisme intelligent et respectueux de leur fragile équilibre ».

*Avec les Associations à l’origine de cette manifestation, « L’Office Seynois Culture et Archéologie », qui a effectué la collecte de fonds pour l’acquisition de la plaque, « Les Amis de Janas et du Cap Sicié » et « Les Pescadous de La Verne et de Fabrégas ».

L’hommage de Jean-Claude Autran à Serge Malcor

(…) Mon vieux Serge – je m’adresse à toi maintenant – nous nous connaissions depuis le début des années 50. Ça en fait des décennies ! Il y aurait tant à raconter, tant d’anecdotes tout au long de ton parcours, tant il a été riche – et que je vais essayer de résumer, selon mon ressenti personnel avec seulement quelques faits saillants et anecdotes que j’ai retenus comme les plus significatifs de ta personnalité. J’avais 7 ans quand nous nous sommes rencontrés (Christian Calabrese aussi avait 7 ans quand il t’a rencontré pour la première fois…) dans la cour de récréation de la petite école Ernest Renan dans les préfabriqués de l’après-guerre, boulevard du 4-Septembre. Nous étions aussi presque voisins, quartier Daniel – quartier La Gatonne, puisque ton père tenait, tout près de chez moi, un atelier réputé de mécanique automobile, dont mon père était d’ailleurs client.

De ces premières années, je retiendrai deux choses, quelque peu antinomiques.

Tu aimais les jeux collectifs avec les gamins du quartier, des jeux innocents à une époque, des jeux qui parfois aussi se terminaient par des plaies et des bosses, car malgré ta rondeur et ta bonhommie, tu ne te laissais pas faire, tu savais te faire respecter.

Mais d’un autre côté, tu avais une certaine envie d’indépendance, car dès que le père Noël t’avait amené ton premier petit vélo, tu t’étais vite échappé. Et pour aller où ? Sur nos rivages. Sous prétexte de jouer avec les amis de la ferme voisine, tu allais, tout seul, pêcher à Brégaillon (). Puis, tu as poursuivi tes pêches artisanales jusqu’aux Mouissèques, à Balaguier, à Tamaris, plus tard dans les criques du Jonquet.

Tout ceci, bien sûr, au détriment de tes études, qui te passionnaient beaucoup moins. Et d’ailleurs, en 1955, tu redoubles déjà ta classe de 5e au collège Martini.

C’est ce qui a permis que je te rattrape, puisque nous avions un an d’écart, et qu’à partir de là nous devenions inséparables jusqu’à la fin du lycée. Une amitié solide car jamais il n’y eut entre nous la moindre dispute, le moindre malentendu, la moindre brouille.

Au début de cette époque du collège, nous avions encore des jeux simples ou sérieux, nous avions la passion de nos collections d’insectes, de minéraux et de fossiles. Des occupations parfois moins innocentes quand nous jouions aux petits chimistes (anecdote).

Mais à cette époque, il faut reconnaître que tu étais encore bien enveloppé et mal taillé pour le sport. Certains se seraient moqué de toi.

Et c’est alors que tu as réagi, que tout va changer pour toi lorsque tu vas découvrir les Eclaireurs de France, groupe de scouts laïques, qui vont t’amener à pratiquer de multiples et intenses activités physiques mais aussi à développer tout un état d’esprit d’ouverture, d’échange, de partage, d’écoute, de construction commune.

Très rapidement, tu y deviens chef de troupe sous le pseudonyme de Grizzly. (Mais chacun sait que tes intimes t’appelaient plutôt Pif, en raison de ses lectures assidues de l’hebdomadaire Pif le Chien). Dans ce cadre, tu vas pratiquer intensément la randonnée, le cross-country, l’escalade, l’alpinisme (Mont-Blanc, Aiguille verte…), le ski, la spéléologie. Tu deviens ainsi un remarquable connaisseur des collines de la région de Toulon, particulièrement du massif du cap Sicié, ses sentiers, ses sources, ses rivages et ses vestiges historiques. Tu fus sans doute le meilleur connaisseur de nos collines que La Seyne ait jamais eu.

Mais d’autres disciplines te passionnent, que tu pratiques au niveau compétition, par exemple le cyclisme et le judo où tu atteins le niveau ceinture noire 2ème dan (anecdote !).

Mais c’est surtout la mer et les activités nautiques qui t’attirent : la natation (tu deviens maître-nageur diplômé, secouriste et sauveteur en mer), la navigation, la pêche, la voile, le kayak, le naturisme,… Tu acquiers alors le physique d’un grand sportif. Avec tes 1,80 m, ta carrure, mais aussi ton côté réfléchi, ton pragmatisme et la sagesse dans tes raisonnements, tu t’imposes facilement partout et tu es reconnu tout naturellement de tous comme celui qui doit être le chef.

Simultanément, tu découvres, nous découvrons, les filles. Car ce n’est qu’à partir de la classe de seconde que les classes étaient mixtes à notre époque. Les filles seront, après la mer, ta seconde grande passion. Ce n’est pas pour rien que tu as intitulé ton épais ouvrage autobiographique La mer et les filles. C’était l’époque des premières boums ou surboums, dansées sur des musiques que l’on qualifiait alors de modernes. Je n’entrerai pas dans les détails sur les filles, tu en donnes suffisamment dans ton livre. Une anecdote cependant ().

A l’âge de 17 ans, tu fais une autre grande découverte : la plongée sous-marine, qui deviendra ta plus grande passion et qui sera à l’origine d’une activité débordante pendant plusieurs décennies : tu vas personnellement explorer plusieurs épaves de navires et avions coulés autour du cap Sicié, entre Saint-Elme et Sanary.

Mais tout cela c’est encore au détriment de tes études, car tu ne pouvais pas tout faire : tu vas encore redoubler ta classe de 1ère et aussi ta terminale. Et ce n’est qu’à 20 ans que tu obtiendras ton bac Sciences Ex. Mais au fond, n’était-ce pas toi qui avais raison ? Par rapport à ceux qui avaient travaillé comme des bêtes pour avoir leur diplôme, sans rien faire à côté, toi, tu as su associer à la fois tous les loisirs que tu aimais et la nécessité des études.

Tu as alors poursuivi des études de pharmacie à la Faculté de Marseille et tu vas exercer scrupuleusement la profession de pharmacien à partir du début des années 70 et pendant près de 30 ans à l’Escaillon, dans la banlieue toulonnaise, dans une pharmacie que tu avais acquise avec au début l’aide de tes parents.

Mais, à part ton côté mycologue (et mycophage), ce métier de pharmacien te passionnait-il vraiment ? Je crois que tu ne te réalisais vraiment que pendant les week-ends et les congés où tu as continué à mener un nombre impressionnant d’activités sportives et associatives.

En 1970, tu fondes l’association mythique JKC (Jonquet-Kayak-Club), qui fut une pépinière de plongeurs-archéologues, prêts à intervenir sur différents chantiers, comme celui de la Lomellina ou de Pomègues. Ses membres ont participé à de nombreuses fouilles terrestres et subaquatiques. Devenu instructeur national d’archéologie subaquatique, tu as eu toi-même la responsabilité de l’opération archéologique sur le Jason, brick napolitain coulé en 1834 près du Grand Rouveau.

Je sais que tu as totalisé des milliers de plongées en Méditerranée. Dans le seul cadre du club, 1400 ont été officiellement répertoriées. Plus toutes les autres (Rappel de la plongée à Monaco). Tu avais créé le Bulletin du JKC, dont tu assurais pratiquement la rédaction à toi tout seul, et où tu détaillais toutes les activités de plongée, de pêche sous-marine, les comptes rendus de fouilles des épaves,… Tu commences aussi à exercer tes talents de conteur, avec quelle verve et quel humour ! autour des histoires, contes et légendes du massif de Sicié.

Cette époque merveilleuse a été marquée par d’innombrables réunions conviviales avec tes fidèles amis : apéros, bouillabaisses, aïolis,… Les recettes provençales n’avaient pas de secret pour toi, car que tu savais parfaitement les réaliser, avec aussi de savantes associations entre les plats et les vins que tu sélectionnais dans ta cave d’un millier de bouteilles…

Je ne manquerai de rendre hommage à tes qualités de père (tu as eu 3 enfants que tu as éduqué et à qui tu as su communiquer les valeurs humaines exceptionnelles d’humaniste qui étaient les tiennes), puis 4 petits enfants. Qu’ils soient tous assurés, et je peux en témoigner, que leur père et grand-père était un grand Monsieur.

Mais nous voici vers la fin des années 1990 : tu prends avec soulagement ta retraite du métier de pharmacien. Car les dernières années, le métier n’est plus ce qu’il était : tu disais que le plus clair de ton temps était passé à de la paperasserie, à démêler des dossiers de clients avec la Sécu et les mutuelles.

Tu as dit aussi ressentir une certaine lassitude de la plongée (anecdote).

Mais en 1998, tu es malheureusement victime d’un AVC, qui aurait pu être bénin s’il ne s’était pas produit dans ta maison de campagne des Hautes-Alpes, et donc loin de tout établissement hospitalier, ce qui a considérablement retardé ta prise en charge.

Ce fut un rude coup porté à tes activités physiques que tu vas devoir réduire.

Mais, pourrait-on dire que ce fut un mal pour un bien ? Car cela va t’amener à te lancer dans l’écriture d’ouvrages, six en tout, entre 2004 et 2013, dont certains feront l’objet de plusieurs rééditions. Un travail de mémoire extraordinaire toute une œuvre qui va faire de toi un grand écrivain Seynois. Mais physiquement, on sent que tu déclines et que tu en souffres.

Certes, tu as encore pu faire quelques balades avec tes amis et d’ailleurs, je dois beaucoup à tes enseignements dans la connaissance de notre massif de Sicié.

Une première raison qui nous a fait choisir ce site pour te rendre cet hommage public – grâce à une initiative de l’OSCA et de la souscription lancée par son président Marc Quiviger – c’est Christian Calabrèse qui nous l’explique : c’était ton endroit préféré du massif de Sicié car à chaque fois que tu passais ici, tu sortais ton vieil appareil et tu prenais la photo de ce paysage. Et quand Christian te faisait remarquer que tu prenais toujours la même photo, tu lui répondais : « Minot, t’y comprends rien ! ». Il faudrait parler aussi des nombreuses photos que Christian t’avait faite pour illustrer tes ouvrages, notamment celle de la mystérieuse Dame Blanche…

Une autre raison du choix de ce site c’est que lors d’une balade en commun, nous étions tombés d’accord sur la réflexion suivante : Quitte à avoir un jour, quelque part, un arrêt cardiaque définitif, si ça se produisait ici-même, si la dernière image que nous gardions de notre vie terrestre était celle-ci, dans le fond, nous aurions assez bien réussi notre « sortie ».

Mais ça ne s’est pas passé ainsi pour toi. A partir de l’automne 2015, tu vas devoir être hospitalisé avec des symptômes mal définis, des hauts et des bas. Nous, tes proches, pensions : Serge, c’est un dur à cuire, il va forcément s’en sortir. Car nous ne pouvions imaginer qu’une telle force de la nature et une telle force morale puisse un jour disparaître. Au cours du week-end de Pâques 2016, ton état va brusquement s’aggraver. Sentant ta fin approcher, tu eus l’immense grand courage de reconnaître que tu avais eu une vie extraordinaire, que tu avais fait tout ce que tu voulais, réalisé toutes ses passions, et qu’il fallait en rester là. Tu nous quittes au soir du dimanche de Pâques 2016, il y a 5 ans.

Mon vieux Serge, une dernière raison pour laquelle nous avons tenu à te rendre hommage en ce lieu précis, c’est que nous y avons une vue directe sur les rochers des Deux-Frères, au pied desquels tes cendres ont été déposées, sur ce fond sous-marin que tu avais tant aimé.

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