Jean-Claude Autran est revenu vivre à La Seyne-sur-Mer, qu’il avait quittée en 1968 après ses études, depuis qu’il a pris sa retraite en 2004. Il tourne alors la page d’une carrière de directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique qu’il avait commencée à Paris, pendant 7 ans, poursuivie par une année passée aux États-Unis, en Californie, avant d’exercer à Montpellier pendant 27 ans. Ce, pour mieux ouvrir un nouveau chapitre : celui qui fait aujourd’hui de lui une référence lorsqu’on s’intéresse à l’histoire et au patrimoine de la ville. Mais pas seulement : « La botanique me passionne depuis la 6ème, j’ai composé un herbier de la flore française de 1 800 planches, confie-t-il. Je me suis ensuite intéressé à la zoologie et en particulier aux insectes, à la géologie, à l’astronomie ou encore à la philatélie. En matière de culture générale on apprend énormément de choses à travers la philatélie mais c’est sans fin, à 70 ans j’ai dit stop ! Une autre passion, très chronophage m’est venue plus tardivement : la généalogie. J’ai mon arbre sur Geneanet comme des milliers de personnes, il compte 8 800 individus en ce moment. »
Démonstration en est faite : la curiosité est une précieuse qualité quand elle conduit un homme à acquérir, et à partager, une telle somme de connaissances. Qui plus est quand il cumule les savoirs de deux vies : la sienne et celle de son père, Marius Autran.
L’héritage de Marius Autran
« Mon père a beaucoup travaillé sur l’histoire de La Seyne, raconte Jean-Claude Autran. Il n’était pas historien au sens propre, il a raconté la vie courante, parfois de façon croustillante en y mettant beaucoup d’anecdotes, ce qui a eu du succès. Il était très attaché à sa ville natale qu’il n’a jamais quittée depuis sa naissance en 1910. Il a été élu municipal pendant 27 ans, de 1950 à 1977, parallèlement à son métier d’enseignant. Il aimait beaucoup la nature, pratiquait la chasse, la pêche et le jardinage… Il a eu trois vies en une, c’est peut-être ce qui lui a permis de vivre si longtemps. Il a ainsi eu du temps pour mettre sur papier ses souvenirs dans une série d’ouvrages intitulés “Images de la vie seynoise d’antan”, où il livre ses “récits, portraits et souvenirs” ayant trait à des personnalités locales, des quartiers particuliers, des événements dramatiques… »
La création du site Internet
Marius Autran a écrit son dernier livre en 2001. « Je suivais les choses d’assez loin jusqu’à ce que je revienne », admet son fils. « Progressivement, je me suis mis dans la peau du successeur de mon père. Il était membre d’honneur de 6 ou 7 associations et, à son décès, en 2007, je devins le destinataire de ses courriers d’invitations. » C’est ainsi qu’il rejoint le milieu associatif : La Philharmonique, Les Amis de La Seyne ancienne et moderne, Histoire et patrimoine seynois, Les Amis de Janas… Et qu’il prend le relais. « Pour les 90 ans de mon père, j’avais commencé à créer un site Internet, rudimentaire au départ, pour héberger ses premiers livres. Rapidement, j’ai numérisé les suivants, ajouté sa biographie, une encyclopédie des rues et quartiers, un lexique des termes provençaux, des pages de généalogie, ses archives… Et les miennes tant qu’on y était ! Le site est libre d’accès, gratuit, il n’y a pas de compte à ouvrir, pas de publicités… Il est vulnérable, mais qu’est-ce que ça peut faire ? Le tout c’est que ce soit ouvert à tous. »
Les conférences
Si l’administration du “Site internet de Marius Autran et Jean-Claude Autran” constitue selon lui « une part importante de (s)on activité », l’infatigable retraité n’a de cesse de vouloir transmettre : « Depuis 2007, je donne régulièrement des conférences sur l’histoire locale ou sur des sujets scientifiques, comme la botanique. » Ses interventions portent aussi bien sur des personnalités locales (Amable Lagane, Saturnin Fabre, Michel Pacha, Henri Tisot…), que sur des sujets historiques (“La tragédie du cuirassé Liberté”, “L’histoire des casinos de La Seyne”, “Les écoles de notre enfance”…), ou sur des thèmes scientifiques (“La botanique dans l’œuvre de George-Sand”, “Le déclin des insectes pollinisateurs”, “Le patrimoine caché du massif de Sicié”…).
Un travail de recherches qui lui vaut l’honneur, depuis juin dernier, d’être membre titulaire de l’Académie du Var*, dont il était membre associé depuis 2019.
Les honneurs de l’Académie du Var et de la Ville
« Je suis engagé à m’y impliquer en proposant 5 ou 6 titres de conférences, sur des thèmes historiques ou scientifiques, précise Jean-Claude Autran. Dans l’année qui suit ma nomination en tant que membre titulaire de l’Académie, explique-t-il, je dois présenter un discours de réception très officiel, d’une heure durant laquelle je devrai développer un sujet de mon choix. C’est un passage obligé très solennel, du plus haut niveau possible. Cela prend du temps et cela impose de réduire momentanément d’autres activités. »
Jean-Claude Autran apprécie en effet collaborer avec la Ville sur les questions historiques et patrimoniales. « J’ai par exemple travaillé sur la liste des victimes du Monument aux morts, rappelle-t-il. La liste datait de 1924, elle était incomplète. Nous avons depuis rajouté les noms de plusieurs dizaines de Seynois morts pour la France et les plaques remises à jour ont été dévoilées le 5 décembre 2022. J’ai fait la même chose pour les plaques de la stèle de l’allée centrale du cimetière, à la mémoire des 264 victimes civiles tuées lors des cinq bombardements qui ont eu lieu entre le 23 novembre 1943 et le 6 août 1944. »
Nathalie Bicais, maire de La Seyne-sur-Mer, a d’ailleurs tenu à lui remettre le prix d’honneur de la Ville lors de la cérémonie des Seynois d’or qui s’est déroulée le 23 septembre dernier. Il avait déjà été gratifié, en 2017, de la médaille de la Ville.
Le passage de témoin
Le « gros souci » de Jean-Claude Autran ? « Vu l’âge que j’ai atteint, j’aurai 80 ans l’année prochaine, c’est de traiter le volume de mes archives. C’est un travail considérable de faire le tri, de rassembler tout ce que je peux transmettre aux Archives municipales : documents anciens, albums de photos, diapositives…. J’ai ainsi numérisé près de 30 000 articles de presse. Mais ce qui me préoccupe ce sont mes livres et collections qui couvrent plus de 100 mètres linéaires et qui pourraient être dispersés ou disparaître… C’est un problème quasi insoluble. Comment faire en sorte, lorsque la relève n’est pas assurée, de ne pas perdre toute une vie de travail ? »