Vice-président du Centre archéologique du Var : Les mille vies d’Henri

Quelque temps professeur d’histoire-géographie à Beaussier, chef d’établissement dans l’enseignement public et privé, puis conseiller pédagogique de l’Éducation nationale, membre de jury à différents concours, historien de la Provence, officier d’artillerie, archéologue depuis 1972, administrateur d’associations, et surtout voyageur impénitent, Henri Ribot semble avoir vécu 1 000 vies. Celui qui a redécouvert l’oppidum celto-ligure de la Courtine à Ollioules offre l’ensemble de ses découvertes sur son blog*, publie une rubrique historique chaque mardi dans Var-Matin et alimente les pages Facebook de La Seyne avec ses petites capsules historiques. Les lecteurs et les internautes adorent.

C’est dans une ville où les cicatrices et les vestiges de la Seconde Guerre mondiale sont devenus le terrain de jeux des minots seynois que la passion d’Henri Ribot pour l’histoire s’éveille. Les traces des bombardements de 1944 mais aussi la destruction du port et des chantiers navals le 17 août de la même année offrent à Henri Ribot et à sa bande de copains un « Urbex géant » mais aussi le théâtre de ses toutes premières fouilles. Aujourd’hui âgé de 81 ans, il avoue que « c’est l’histoire qui (l’)a amené à l’archéologie sur le tard. Comme un complément de travail qui me semblait essentiel à mon métier d’historien ». Aujourd’hui vice-président du Centre archéologique du Var, Henri Ribot a bien voulu fouiller son passé pour nous raconter SON histoire, ou plus exactement ses 1 000 vies.

Des gamins passionnés

Reconstruction des quais du port. Photo Archives municipales. Cote 40S156_12. Date : 1950

« Je suis arrivé à La Seyne quand j’avais 10 ans. C’était en 1953, La Seyne était en pleine reconstruction : les vestiges de la Seconde Guerre encore visibles. Mon père était boulanger de métier mais avait trouvé un poste à l’arsenal de Toulon. Il a été vaguemestre puis, à La Seyne, mes parents ont été embauchés comme concierges aux Maristes. Malgré l’offre de l’institut Sainte-Marie de m’inscrire gratuitement dans cette école privée catholique, mes parents ont tenu à ce que j’étudie à l’école publique. C’est à l’école Martini que j’ai rencontré Serge Malcor, Jean-Claude Autran, Gérard Garier et, plus tard, Bernard Argiolas qui était un peu plus jeune que nous. À l’époque, on était une bande de copains passionnés par l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Nous faisions partie des Éclaireurs de France(**) et on se tirait un peu la bourre sur celui qui en apprendrait le plus sur cette guerre qui pour nous, était une histoire très contemporaine ». Ce qui n’empêcha pas cette équipe de Seynois de partir pour l’Iran, en 1965, avec un vieux Dodge retapé et faire ainsi 15 000 km d’aventures fantastiques.

Prof d’histoire/géo à Beaussier

Un groupe de lycéens entrant au lycée Beaussier. Photo Archives municipales. Cote 40S282_7. Date : 1960.

Après ses années lycée à Beaussier, et des études d’Histoire et de Lettres modernes dans les facultés des Lettres et Sciences humaines d’Aix et de Nice, le jeune professeur d’histoire/géographie revient à La Seyne enseigner au lycée Beaussier. « J’ai remplacé Marius Autran, Jean Sprecher et un certain Toussaint Merle » se souvient-il.

« J’ai toujours aimé l’histoire, notamment celle de notre territoire. J’ai vécu la reconstruction du port et des Sablettes avec Pouillon en 1953. Aussi, avec la même bande de copains, nous avons suivi les séances de l’association « Les amis de La Seyne ancienne et moderne » dirigée par Louis Baudoin. »

Également diplômé de langue provençale, et affilié à l’I.E.O. (l‘Institut d’études occitanes), à l’occasion de son service militaire, il intègre à 23 ans l’école d’artillerie de l’Armée de Terre à Châlons, en sort sous-lieutenant, passe par l’Algérie et l’Allemagne, gravit les échelons et devient capitaine d’artillerie. À ce titre, « je prenais en charge, au centre mobilisateur 94 de La Valette, les réservistes tenus à des périodes à la suite de leur temps de service militaire obligatoire. »

L’affiche de l’exposition “1793, l’envol de l’Aigle” au musée Balaguier en 2013/2014.

« En 2011, nous avons créé l’association seynoise « Les Soldats de l’An II, l’Aurore de la République » pour évoquer la mémoire de ceux qui sont tombés en 1793 lors de la prise de Toulon. C’est d’ailleurs à ce titre que la Ville de La Seyne-sur-Mer a demandé mes conseils pour la mise en valeur du patrimoine militaire lié au Siège de Toulon de 1793. Une exposition permanente intitulée “1793, l’envol de l’Aigle. Bonaparte et le siège de Toulon“ au musée Balaguier retraçait nos travaux en 2013 et 2014, travaux achevés avec les deux célébrations de Bonaparte à La Seyne en 2021 et 2023 ».

La Seyne : un patrimoine exceptionnel

Car l’objectif, voire le sacerdoce d’Henri Ribot sont toujours les mêmes : « redorer le blason de La Seyne via son histoire et son patrimoine exceptionnel ». Concernant notamment la mise en valeur du fort Napoléon, « j’ai pu mettre en place un projet pour réconcilier le Département (gestionnaire des alentours du fort) et la Ville (propriétaire du fort) afin qu’une étude très poussée y soit menée. »

Loppidum de la Courtine

Juillet 1986, sur le site de l’oppidum de la Courtine d’Ollioules , nous vidons l’olpé massaliote de son contenu : plus de 4000 pièces d’argent datant du IVe siècle avant notre ère.

Cette envie d’en savoir toujours plus le motive à réaliser ses première fouilles à La Mole en 1972 puis les recherches s’emballent :

De 1974 à 1981 : oppidum du Fort (2e siècle av. J.-C.) et village médiéval de Taradeau et les vestiges d’habitat témoignent d’une période prospère de l’agriculture provençale fondée en grande partie sur la production d’huile et de vin.

L’oppidum de Taradeau (Var).

Dès 1978, l’historien a concouru à la création à Toulon du Centre archéologique du Var qui, sous la responsabilité du ministère de la Culture, fut chargé d’effectuer l’inventaire des sites sensibles et d’effectuer des fouilles de vérification, méthode qui aboutira en 2002 à la création de l’archéologie préventive.

De 1982 à 1994 : mise en place du programme de recherches de l’ouest varois (13 communes concernées) qui débouche sur la carte archéologique des sites aujourd’hui intégrée au P.O.S. (Plan d’occupation des sols) et P.L.U. (Plan local d’urbanisme).

 

La reproduction du trésor découvert à la Courtine, visible au musée Bottin-Layet : 1217 avenue Jean-Monnet à Ollioules.

De 1984 à 1989, à la demande de l’État, il réalise des fouilles à Ollioules sur le site de l’oppidum de La Courtine, datant de -400 avant J.C. « Je prépare un livre là-dessus » annonce Henri Ribot.

C’est l’époque d’Alexandre Le Grand et des comptoirs grecs fondés par des Phocéens : Nikaia à Nice, Antipolis à Antibes ; Olbia à Hyères, Tauroeïs au Brusc. « À la suite du programme de recherches sur l’Ouest-Varois a commencé en 1997 la publication des « Cahiers du patrimoine ouest varois », dont 16 numéros ont vu le jour, tous disponibles chez Charlemagne ».

Archéologie préventive

« Dans les années 80, il a fallu faire des fouilles de sauvetage sous la direction des Antiquités de l’époque. Pour aller plus vite, en 1999 est créé l’INRAP (l’Institut national de recherches archéologiques préventives) et cette archéologie préventive fonctionne plutôt bien. Aujourd’hui, les programmes de recherches sont intéressants comme la voie romaine entre Ollioules et Sanary. En ce moment, on travaille à répertorier tous les sites militaires de La Seyne ».

L’éphéméride d’Henri

« En 1997 et en 2009, j’ai été chargé de la préparation d’étudiants aux concours nationaux que je formais aussi aux épreuves orales. Je savais que lors de ces oraux, les recruteurs – dont je faisais partie par ailleurs – aimaient bien poser une question « subsidiaire » souvent de simple culture générale. Pour les aider, je leur compilais tous les jours une collection de citations, de courts résumés historiques ou autres. C’est ce travail qui nourrit aujourd’hui l’éphéméride que je mets quotidiennement en ligne sur mon blog* qui existe depuis treize ans et compte plusieurs milliers de personnes dont près de 900 à La Seyne ».

Retrouvez aussi la plume historique d’Henri Ribot dans Var-Matin tous les mardis. Car à 81 ans, l’historien a encore tant à nous apprendre sur la ville.

* ephemeridesribot.com
** Scouts laïques
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